Texte présenté lors du symposium de 2013. Symposium qu'organisait l'Atelier du Non Faire et dont le créateur est Christian Sabas.
J’aimerais vous présenter un voyage avec le Tarot de Marseille. Un voyage qui est le voyage intérieur que chacun de nous peut avoir l’occasion de vivre.
Deux mots sur le Tarot de Marseille dont on ne connaît ni la date exacte ni le lieu de sa parution. Cependant, ses images simples qui nous interpellent, nous fascinent et suscitent notre imaginaire ont fait que le Tarot de Marseille a traversé les siècles et demeure bien vivant encore aujourd’hui.
Aujourd’hui, je vous présente une possibilité de lecture. Lecture très succincte, le Tarot étant dans un infini de possibles.
Nous commençons en 1 avec le Bateleur. Cet enfant qui arrive au monde en ayant tout oublié et qui va devoir tout se réapproprier. C’est comme si toutes les lames du Tarot étaient couchées et que, tout au long de son chemin, notre Bateleur allait devoir les remettre debout une à une jusqu’à la dernière. Donc, notre Bateleur, joueur, enthousiaste, décide de partir à l’aventure fort de tout son potentiel, de sa capacité d’amour et de son immense désir de vivre. Et dans un premier temps, il va rencontrer 4 personnages qui seront ses enseignants et maîtres spirituels.
(Nous verrons au cours du voyage que plus les lames sont hautes numériquement plus le Bateleur devra descendre dans ses profondeurs. A chaque avancée, le Bateleur sera donc invité à revisiter son passé afin de ne pas oublier d’où il vient).
Première rencontre, la Papesse en 2 qui invite el Bateleur à lire le livre de la vie – de sa vie, de ses mémoires – et à y mettre du sens. Deuxième rencontre, l’Impératrice en 3 qui va permettre de mettre en mots les premiers décryptages du livre de la vie. Troisième rencontre, l’Empereur en 4 qui va poser des cadres, une base, qui va permettre de concrétiser les idées de l’impératrice. Quatrième rencontre, le Pape en 5, le Bateleur va tenter, avec la bénédiction du Pape, de sortir du cadre rassurant de l’Empereur, autrement dit tenter de sortir du monde matériel car il a conscience que quelque chose de plus grand se joue.
En 6 avec l’Amoureux, le Bateleur fait ses premiers pas dans la vie, tout à son plaisir et à sa joie de rencontrer l’autre. Cependant, quoique bien entouré et bien guidé, le Bateleur est quelque peu anxieux, un peu chancelant car il sait qu’il va devoir quitter ses maîtres et enseignants et partir seul en ayant fait le bon choix.
En 7, avec le Chariot, notre Bateleur, sûr de lui, parcourt le monde triomphant. Son égo est bien trempé. Il sera arrêté dans son élan par la Justice en 8 qui l’obligera à agir en harmonie avec lui-même ET avec les autres : se pose donc pour le Chariot des actes justes inscrits dans une éthique et qui l’amènera en 9 avec l’Hermite à regarder son passé, à en faire le bilan afin d’éclairer l’avenir car un cycle s’achève qui va préparer un nouveau cycle avec la venue des nombres, c’est-à-dire le 10 en Roue de Fortune. Fort de ses expériences, le Bateleur fera en sorte de faire tourner la Roue dans un sens évolutif et évitera donc de répéter les mêmes schémas d’expérience.
En 11 avec la Force, nous sommes au cœur du Tarot (puisqu’il y a 22 lames) et le Bateleur a su maîtriser ses désirs tout fous pour les élever jusqu’à la force du cœur. Avec la Force, le Bateleur vit la plénitude du désir.
Le Bateleur en 12 avec le Pendu peut maintenant se connecter aux forces de l’esprit. Il s’abandonne à cela, se connectant avec les courants de l’univers. Il vit maintenant ses émotions, se laisse traverser par elles, sans les retenir et peut ainsi voir le monde avec un tout autre regard, en confiance. Et il lui en faudra de la confiance pour vivre la prochaine étape en 13 avec l’Arcane sans Nom qui va tout balayer sur son passage sans concession, qui va retirer tout ce qui est superflu, toutes ses vieilles peaux qui l’encombrent, qu’il le veuille ou non.
Cette épreuve vaincue, le Bateleur avec Tempérance en 14 nous dit que nous n’avons rien à craindre, que la vie continue toujours. Avec Tempérance, nous gagnons en harmonie, en sécurité, nous gagnons aussi en connaissance.
Nous pourrions nous arrêter là, mais non, le Tarot nous invite à aller davantage encore plus loin et avec le Diable en 15, le Bateleur va redescendre pour s’initier à l’utilisation du désir dans la matière. Ici, le Bateleur a l’opportunité de transcender la puissance de ses désirs, qui peuvent l’effrayer, par le biais de la créativité et ainsi gagner en liberté et la Maison Dieu en 16 finira par faire exploser la structure mentale trop étroite, trop sclérosée, qui empêche le nouveau de venir habiter le Bateleur. L’explosion peut être brutale si notre Bateleur a refusé toute ouverture à son champ d’expérience. L’on peut comparer cette lame à l’énergie de l’orage qui, bien que violent et brutal, offre un apaisement après son passage avec un ciel lavé et lumineux. Le Bateleur, débarrassé de tout ce qui a pu l’encombrer sur son chemin, arrive en 17 avec l’Etoile agenouillé, nu, c’est-à-dire simple et humble devant la beauté et au service de la nature, plein d’espérance en sa bonne étoile puisant avec émerveillement dans sa propre source son inspiration créatrice mais redonnant et recevant aussi de la source de l’univers.
En 18 avec la Lune, il va plonger à nouveau à l’intérieur de lui et, se nourrissant de ses rêves et de ses symboles, le Bateleur sait qu’il est un créateur inépuisable, puisque relié à son monde intérieur.
En 19 avec le Soleil, le Bateleur mettre en acte tous les désirs de création puisés dans la Lune mais il oeuvrera aussi avec les autres dans un véritable sentiment de fraternité. C’est ainsi qu’en 20 avec le Jugement, le Bateleur se sent uni au monde, conscient de sa place et de son rôle dans l’univers pour finir en 21 avec le Monde dans une véritable danse cosmique. Le Bateleur danse sa vie. Le bonheur n’est pour lui en rien un pays lointain dont l’accès se refuserait toujours à lui.
Le Tarot s’arrête ici ? NON. Le Tarot ne s’arrête jamais car avec le Mat (seule lame qui n’a pas de nombre) la vérité du Bateleur, en soif d’absolu, est toujours au-delà. Quand une aventure a été vécue, une nouvelle aventure est encore à vivre.
